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jeudi 12 novembre 2015

Les péchés de Jim



"Le dernier des grands écrivains américains". Avec un tel titre, celui décerné par un hebdomadaire français à Jim Harrison, nul doute que les attentes sont importantes. Et comme les médias ont abondamment commenté Péchés capitaux, en bien, voire très bien, je me suis lancé dans la lecture du rabelaisien écrivain américain.
"Dans Péchés capitaux, Jim Harrison joue ouvertement avec les codes du roman noir et dresse un portrait grinçant de l'Amérique profonde, gangrénée par la violence, où le sexe est plus jouissif et envahissant que jamais" (4ème de couverture). Je ne suis d'accord qu'avec la fin, le sexe est plus envahissant que jamais. De là à dire qu'il est jouissif... il en deviendrait plutôt pathétique au fil des pages, n'apportant pas grand chose au récit. Un peu comme les obsessions culinaires de l'inspecteur Sunderson, sauf à vouloir connaître les différentes façon de faire cuire le poisson, surtout la truite.
Quant aux codes du roman noir, nous sommes loin de "l'intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier"1. Loin du roman noir, loin de la tragédie grecque. Les références à Faulkner m'ont plus fait penser à leur commune addiction au whisky qu'à autre chose, et surtout pas à la technique narrative. Par moment, le roman tient essentiellement à la fragile intrigue, tenue par une enquête quelque peu décousue.
Pour autant, il ne faudrait pas en tirer la conclusion que ce livre ne doit pas être lu. L'inspecteur Sunderson n'aime pas la violence, qu'il a côtoyé toute sa carrière, et veut écrire sur le sujet, le 8ème péché de l'Amérique, mais n'y n'arrive pas. Ce qu'il compense en s'adonnant aux autres péchés. Ses interrogations sur l'orgueil, l'avarice... ne permettront sans doute pas aux élèves de terminale de faire une bonne dissertation de philosophie, mais elles nous livrent des vues sans concession sur la société américaine. Une société fascinante, mais qui nous semble si dure, à nous observateurs européens. Les femmes sont très présentes dans cet opus et, même si elles n'ont pas souvent le beau rôle, c'est par elles que notre "héros" semble s'approcher de la rédemption.C'est aussi un message d'optimisme aux plus pessimistes d'entre nous qui penseraient que la vieillesse aidant, il n'est plus possible de plaire aux femmes plus jeunes. La preuve par Sunderson. C'est un roman qui permet de passer un bon moment, dans lequel l'auteur couche sur le papier ses obsessions, bien connues de ses lecteurs. A lire donc, à condition de ne pas s'attendre au "dernier des grands romans américains".

1 A MALRAUX, préface à l'édition française de Sanctuaire de William FAULKNER.