"De chapitre en chapitre, ce livre a atteint une grande frontière nommée 1900. Cent ans de plus, barattés et moulus, pétrifiés par le calcaire du souvenir. Cent ans que les hommes modelaient à leur guise et, plus l'époque était lointaine, plus elle était riche et pleine de signification. C'était le bon vieux temps, heureux, doux et simple, jeune et audacieux, celui qui avait laissé la plus belle empreinte sur les neiges du monde. Les vieillards, qui ne savaient pas si leurs pas chancelants les conduiraient jusqu'à la frontière du siècle, considéraient avec dédain ces années étrangères. Car le monde changeait et la douceur de vivre avait disparu et la vertu avec elle. L'inquiétude s'emparait d'un monde corrodé. Qu'allait-on perdre? Les bonnes manières, la facilité et la beauté ? les dames n'étaient plus des dames. La parole d'un homme n'avait plus de valeur."
J. Steinbeck, A l'est d'Eden (1952).A chaque génération sa frontière, délimitée par ce moment où, fatigué, on s'assied sur le bord du chemin pour regarder les plus jeunes poursuivre cette aventure qu'est la vie.
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