"Un but, un seul, se présentait aux yeux Siddhartha : vider son cœur de tout son contenu, ne plus avoir d'aspiration, de désirs, de rêves, de joies, de souffrances, plus rien. Il voulait mourir à lui-même, ne plus être soi, chercher la paix dans le vide de l'âme et, par une abstraction complète de sa propre pensée, ouvrir la porte au miracle qu'il attendait. "Quand le moi sous toutes ses formes sera vaincu et mort, se disait-il, quand toutes les passions et toutes les tentations qui viennent du cœur se seront tues, alors se produira le grand prodige, le réveil de l’Être intérieur et mystérieux qui vit en moi et qui ne sera plus moi"."
"Je suis capable d'aimer une pierre, Govinda, un arbre et même un morceau d'écorce. Ce sont des choses et on peut aimer les choses ; mais ce que je suis incapable d'aimer, ce sont les paroles. Et voilà pourquoi je ne fais aucun cas des doctrines. Elles n'ont ni dureté, ni mollesse, ni couleur, ni odeur, ni goût, elles n'ont qu'une chose : des mots. Peut-être est-ce pour cela que tu n'arrives pas à trouver la paix ; tu t'égares dans le labyrinthe des phrases."
Entre ces deux extraits (p. 32 pour le premier, p. 152 pour le second), Hermann Hesse raconte la quête de la paix de Siddhartha, dans un "décor hindou". Au cours de récit initiatique, le lecteur côtoie des brahmanes, des ascètes samanas, rencontre Gotama (Bouddha), mais aussi les inévitables représentations d'une certaine corruption terrestre que représentent le marchand (Kamaswani) et la courtisane (Kamala).
"Quand Kamala la belle entra dans son bosquet ombreux,
Le brun Samana se tenait sur son passage.
En voyant cette fleur de lotus il s'inclina profondément
Et Kamala remercia par un sourire.
Et Le jeune homme se dit alors : Il est fort bien de sacrifier aux dieux,
Mais sacrifier à la belle Kamala vaut infiniment mieux"
(vers de Siddhartha)
Dans son introduction, Jacques Brenner écrit : "Des jeunes gens ont pu lire Siddhartha comme une œuvre initiatique et quasiment comme un texte sacré". Il semblerait que j'ai passé l'âge pour apprécier à sa juste valeur ce type de récit. C'est plaisant à lire, mais sans accrocher outre mesure l'esprit (trop matérialiste peut-être). A moins que ce détachement soit un premier pas sur la voie de la sagesse chère à Siddhartha.