Street Scene, Library of Congress |
"Nous nous trouvons dans Church Street à longer le réseau de voies ferrées qui divise la ville de Railton en deux moitiés aussi vétustes et repoussantes l'une que l'autre. On dénombre à cet endroit un maximum de vingt voie parallèles, bloquées pour la plupart par un ou deux wagons rouillés. il y a un siècle, chaque voie aurait compté un train. La ville de Railton était en plein essor, et ses citoyens, confiants en l'avenir. C'est terminé. Malgré son nom, il n'y a plus une seule église sur Church Street, où nous sommes encore bloqués au carrefour. Alors qu'elle en comptait autrefois, à ce que l'on dit, une demi-douzaine. La dernière, une vieille chose de briques rouges décrépites, depuis longtemps désaffectées et couvertes de planches, fut rasée l'an passé. Plusieurs enfants s'y étaient introduits et le plancher avait cédé sous leur poids. Il ne reste plus, à sa place, qu'un grand terrain vague. Railton compte tellement de terrains vides, couverts de détritus, à l'instar de ces étendues balayés par le vent entre les vieux wagons du réseau ferré, que l'espoir y semble interdit. Non loin de l'endroit où nous sommes -l'intersection de Pleasant Street- un homme du nom de William Cherry, qui toute sa vie a travaillé pour les chemins de fer Conrail, s'est suicidé il y a peu en s'allongeant sur une voie au milieu de la nuit. On pensa à tort qu'il faisait partie d'un groupe de travailleurs licenciés la semaine précédente. Il venait, en réalité, de prendre sa retraite avec tous les bénéfices de sa profession (...) Lorsqu'il n'y a plus de voitures, teddy tourne à gauche sur Pleasant Street, la plus déplaisante de toutes les rues de Railton. De chaque côté se dresse une rangée de façades décaties. L'hiver, lorsqu'il neige, il est impossible de monter Pleasant Street en voiture, car la pente est trop raide. Nous sommes déjà début avril, mais je crains que la Civic de Teddy n'y arrive pas."
Richard Russo, Un rôle qui me convient.
Richard Russo est expert dans la description des petites villes américaines, souvent sur le déclin alors qu'elles ont connu de belles années. La force de l'imaginaire est là, toute "l'Amérique profonde" (sans intention péjorative) est présente dans ces quelques lignes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire