"La pointe était plus ventée. Roy se tenait sur le rivage où s'écrasaient des vagues de près d'un mètre de haut et il apercevait des moutons au large. Il n'avait pas remarqué à quel point leur petite crique était abritée. Il arpenta la rive quelques minutes en observant la galets blancs polis et la rangée d'arbres qui se dressait derrière lui sur un tertre d'herbe, de terre et de racines qui bordait la plage de tous côtés et était exposé aux intempéries de toute part. Il ne comprenait pas comment la terre pouvait rester en place, mais quand il se pencha, il vit que ce n'était qu'une couche de mousse et de racines. Il pensa aux ours et scruta les alentours, il n'en aperçut aucun signe mais retourna vers la pointe en vue de la cabane, puis il lança son leurre dans l'embouchure de la baie pour attraper les saumons qui remontaient ou qui descendaient vers le large. Il ne pouvait voir ni son leurre ni aucun poisson et il se rappela les journées passées dans les criques de Ketchikan, debout à la proue du bateau de son père, entouré de poissons qui grouillaient sous la surface. Ce serait le cas ici dans quelques mois, mais il espérait tout de même pouvoir en attraper un précoce."
Sukkwan Island, David Vann, Éditions Gallmeister.
A ce moment, Chris était parti depuis longtemps. Cinq semaines auparavant, il avait chargé toutes ses affaires dans sa petite voiture et pris la direction de l'Ouest sans itinéraire précis. Ce voyage devait être une odyssée dans le plein sens du mot, un voyage épique qui changeait tout. Selon lui, il avait consacré les quatre années précédentes à un but absurde et coûteux : obtenir un diplôme universitaire. Enfin, il était maintenant dégagé de ses obligations, du monde étouffant de ses parents et de ses pairs, ce monde d'abstraction, de sécurité et d'abondance matérielle dans lequel il se sentait coupé de la vraie pulsation de la vie.
(...)
"Depuis deux ans, il marche sur la terre. Pas de téléphone, pas de piscine, pas d'animaux de compagnie, pas de cigarettes. Liberté ultime. Être un extrémiste. Un voyageur esthète dont le domicile est la route. Échappé d'Atlanta. Tu n'y retourneras pas parce que "l'Ouest est ce qu'il y a de mieux". Et maintenant, après deux années de déambulation, c'est l'aventure finale, la plus grande. La bataille décisive pour tuer l'être faux à l'intérieur de soi et conclure victorieusement le pèlerinage spirituel. Dix jours et dix nuits de trains de marchandises et d'auto-stop m'amènent dans le Grand Nord blanc. Il ne sera plus empoisonné par la civilisation qu'il fuit et il marche seul pour se perdre dans la nature." Alexandre Supertramp, Mai 1992.
Into the Wild, Jon Krakauer,Éditions 10/18.
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