New York |
"Je suis rentré à pied à l'hôtel. Quarante et un pâtés de maisons. Je l'ai pas fait parce que j'avais envie de marcher ni rien. C'était plutôt parce que j'en avais marre de prendre des taxis. Les taxis, on s'en fatigue comme on se fatigue des ascenseurs. Tout d'un coup on veut aller à pied, même si c'est loin ou mêmesi c'est haut. Quand j'étais petit, ça m'arrivait souvent de monter par l'escalier jusqu'à notre appartement. Au douzième étage.
On voyait presque pas qu'il avait neigé. Y avait presque plus de trace de neige sur les trottoirs. Mais il faisait un froid glacial et j'ai sorti ma casquette de ma poche pour me la mettre sur le crâne. Je me foutait pas mal de l'allure que j'avais. J'ai même rabattu les oreillettes. J'aurais bien voulu savior qui m'avait fauché mes gants à Pencey, parce que mes mains étaient gelées. C'est pas que j'aurais fait grand-chose, si j'avais su. Je suis un type assez dégonflé. J'essaie de pas le montrer mais c'est pourtant vrai."
"Je vous en dirai pas plus. Sans doute je pourrais vous raconter ce que j'ai fait une fois rentré à la maison et comment je suis tombé malade et tout, et à quel collège je suis censé aller à l'automne prochain, quand je serai sorti d'ici mais j'ai pas envie. Sincèrement. Tout ça m'intéresse pas trop pour l'instant.
Y a un tas de gens, comme ce type, le psychanalyste qu'ils ont ici, ils arrêtent pas de me demander si je vais m'appliquer en classe quand j'y retournerai en septembre. A mon avis c'est une question idiote. Je veux dire, comment peut-on savoir ce qu'on va faire jusqu'à l'instant où on le fait ? La réponse est qu'on peut pas. Je vous jure, c'est une question idiote."
JD Salinger, L'Attrape-Coeur, édition Pocket
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