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jeudi 13 juin 2013

La fin de la lecture, vue par Philip Roth

"Ici, il y a encore une culture littéraire. Mais je ne me fais guère d'illusions. Dans le quartier où nous sommes en ce moment, le Upper West Side, ce périmètre qui va de la 72ème Rue à Columbia University et de Central Park au fleuve, il y a plus de lecteurs que dans le reste de New York, et peut-être même le reste des Etats-Unis. [...] Enfin, ne nous plaignons pas... Il y a encore des lecteurs. Mais ils sont si rares qu'ils pourraient tous se connaître et s'appeler par leurs noms. Pour moi, un lecteur est une personne qui lit au moins deux livres par mois, qui passe quatre heures tranquillement assis à lire un livre, sans rien faire d'autre. Et quand le livre est fini, qui y pense encore. C'est ça, un lecteur ! En Amérique, il ne doit pas en avoir plus de 50 000."
Entretien paru en novembre 1990, Le Nouvel Observateur.

"Plus que jamais. La culture littéraire est en voie de disparition, en Amérique. [...] C'est comme ça. L'ère où l'on croyait que les livres pouvaient enrichir la conscience humaine est révolue. La lecture n'est plus considérée comme un vecteur indispensable de la transformation personnelle. [...] La littérature aujourd'hui, c'est comme une radio qui émet, mais il n'y a pas de récepteurs. Les programmes sont intéressants, mais sont diffusés dans le vide. Les gens ne nourrissent aucune frustration puisque le besoin de lire lui-même a disparu. Il y a presque un vrai soulagement de s'être débarrassé d'une obligation encombrante".
Entretien paru en avril 1999, Le Nouvel Observateur.