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lundi 26 août 2013

Flannery O'Connor, un peu d'humour.





« Quelques jours plus tard, Sarah Ham se taillada le poignet avec un couteau à légumes et eut une crise de nerfs. Du fumoir où il s’était enfermé après le dîner, Thomas entendit un hurlement déchirant, puis une série de cris aigus, puis les pas précipités de sa mère qui semblait galoper dans toute la maison. Il ne bougea pas. Il espéra tout d’abord que la fille s’était tranché la gorge, mais dut bientôt déchanter : elle n’aurait point, si tel avait été le cas, crié si longtemps ni avec une pareille vigueur. Il reprit sa lecture et bientôt les cris s’apaisèrent. Une minute après, sa mère fit irruption dans le fumoir et lui tendit son pardessus et son chapeau. « Il faut que nous la conduisions à l’hôpital, dit-elle. Elle a essayé de se supprimer. Je lui ai mis un garrot. Seigneur Dieu, suppose que ce soit toi que le désespoir ait poussé à faire une chose si affreuse ! ». Thomas resta de bois, se leva et mit chapeau et pardessus. « Nous allons l’emmener à l’hôpital, dit-il, et l’y laisser. ».
« Le confort du foyer », Mon mal vient de plus loin, 1960.

« Quand je suis partie pour l’Université d’Iowa, je n’avais jamais entendu parler de Faulkner, de Kafka et de Joyce et n’avais, évidemment, jamais ouvert un de leurs livres. Je me suis donc jetée sur tout en même temps, au point qu’aucun écrivain, je crois, ne m’a influencée, à lui seul. J’ai lu tous les romanciers catholiques, Mauriac, Bernanos, Bloy, Greene, Waugh, et des tas de dingues comme Djuna Barnes et Dorothy Richardson et Virginia Woolf (ce qui est, évidemment, injuste pour cette chère dame). J’ai avalé aussi les meilleurs auteurs du Sud, Faulkner, les Tate, K.A. Porter, Eudora Welty, et Peter Taylor. J’ai découvert les Russes, moins Tolstoï que Dostoïevski, Tourgeniev, Tchekhov, et Gogol. J’ai adoré Conrad dont j’ai lu presque tous les livres. J’ai totalement sauté des gens comme Dreiser, Anderson (à part quelques nouvelles) et Thomas Wolfe. Il me semble avoir appris des choses chez Hawthorne, Flaubert, Balzac et quelques-une chez Kafka, bien que je n’aie jamais été capable de finir un de ses romans. J’ai lu presque tout Henry James, par sens du devoir et parce qu’avec lui j’ai l’impression qu’il m’arrive quelques chose, au ralenti, mais qui se produit tout de même. J’ai admiré les Vies de poètes du Dr Johnson, mais, toujours, ce qui émerge de ma mémoire, ce sont les Contes comiques d’Edgar Allan Poe. Je suis sûre qu’il les a écrits en état d’ébriété ».
L’habitude d’être, 28/08/1955.

« Savez-vous ce que les entrepreneurs des pompes funèbres font des cendres des gens incinérés ? Ils les envoient aux cannibales qui n’ont qu’à ajouter de l’eau pour consommer une sorte « d’humanité instantanée », comme le café soluble ».
Lettre à S. et R. Fitzgerald, 01/12/1957.

« … Il y a deux semaines, j’ai été au collège Wesleyen pour lire Les Braves Gens ne Courent pas les rues. Ensuite, j’ai assisté à un cours pour répondre aux éventuelles questions. Il y avait là deux jeunes professeurs et l’un d’eux, du genre sérieux, m’a demandé : « Mademoiselle O’Connor, pourquoi votre Désaxé porte-t-il un chapeau noir ? ». Je lui ai expliqué que la plupart des paysans, en Géorgie, portait des chapeaux noirs. Il a paru déçu et a insisté : « Mais, Mademoiselle O’Connor, le Désaxé représente le Christ, n’est-ce pas ?  - Pas le moins du monde, ai-je protesté.  – Dans ce cas, s’est-il étonné, quelle signification peut-on donner au chapeau ?  - Je n’en vois qu’une : il sert à couvrir la tête », ai-je répondu. Là-dessus, on m’a laissé tranquille. Voilà ce qu’est devenu l’enseignement de la littérature. »
Lettre au Pr T.R. Spivey, 25/05/1959.

« Hier, pour la première fois, j’ai vendu un couple de paons. Mes clients sont arrivés dans une longue voiture blanche. La dame portait des shorts très courts. Ils avaient manifestement beaucoup d’argent et n’y étaient pas encore très habitués. Elle pilote son petit avion personnel, possède deux ratons laveurs et un chien tibétain (si j’ai bien compris). Lui a envie de se lancer dans l’élevage des paons, des faisans et des grenouilles. Ils sont rentrés chez nous, ont admiré la maison, et la dame m’a dit : « Nous avons été à Macon pour regarder de vieux meubles rustiques français. J’ai envie de m’acheter un siège d’amour ». Son mari est ingénieur des Ponts et Chaussées. Il m’a raconté qu’il avait un ami écrivain dans le Mississipi. Je lui ai demandé qui c’était. « Un certain Bill Faulkner, m’a-t-il répondu. Je ne sais pas ce qu’il vaut comme auteur mais c’est un sacré chic type ». Je lui ai assuré que c’était aussi un sacré bon professionnel… ».
Lettre à E. Bishop, 02/08/1959.

« Plus je rencontre d’étudiants, plus mes réponses sont vagues. L’un d’eux, au Texas, m’a demandé en me toisant d’un œil inquiet : « Miss O’Connor, quand vous écrivez, à quelles motivations obéissez-vous ? – Je ne suis bonne qu’à ça », ai-je répondu. J’ai compris à son expression qu’il pensait que sa question dépassait de loin mes facultés intellectuelles… »
Lettre à J. Hawkes, 24/11/1962.
« K .A. Porter m’a envoyé une critique d’un magazine français, L’Express, sur Les Braves Gens ne courent pas les rues. Cela me paraît plus élogieux que judicieux. Mais j’apprécie qu’on dise que je vis dans un vaste domaine, parmi une foule de bête ».
Lettre à T. Stritch, 04/07/1963.

« Pour autant que j’y comprenne quelque chose, il me semble que la médecine et la maladie se font la course, la première arrivée vous tuera ».
Lettre à M. Lee, 01/07/1964.

Flannery O’Connor, 25 mars 1925 – 03 août 1964.


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