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dimanche 11 septembre 2011

Pour commencer...

"Il parlait d'une voix si aimable, si nonchalante, si égale, qu'on ne saisissait pas tout de suite qu'il y avait en elle plus de sagacité encore que d'humour. C'était Ratliff, le représentant en machines à coudre. Il habitait Jefferson et il couvrait la plus grande partie de quatre comtés, voyageant avec son solide attelage et la niche à chien peinte dans laquelle était adroitement logée une vraie machine à coudre. Jour après jour et à deux comtés de distance, on voyait la carriole déglinguée et crottée et le solide attelage mal assorti attachés dans l'ombre la plus proche, et le visage impassible, affable, ouvert de Ratliff, avec sa chemise bleue bien propre sans cravate, au milieu d'un groupe d'hommes accroupis, dans un magasin à un  carrefour, ou bien -toujours accroupi et toujours disert en apparence, mais en réalité écoutant beaucoup plus qu'on ne le croyait, ce dont on ne s'apercevait que plus tard..."
W. Faulkner, Le hameau.
Dans notre monde de l'information et de la communication, pratiquement instantanées, sait-on encore prendre le temps d'écouter ?

1 commentaire:

  1. ROWAN OAK STATION COMBIEN D'ARRÊT DU TEMPS CHRONOPHAGE ?


    Rowan Oak station ! Arrêt au beau milieu d'un désert américain traversé de route ouverte, royale solitude, et internet. Dimension country-kérouaquienne, bras tannés sur un volant fixé à la rectitude de course d'une pure flèche.

    Combien d'arrêt ? L'arrêt du Chêne Rowan, dressé dans sa sereine tenue de pierre taillée de lumière du Sud et son classicisme transcendantal. Une Demeure de seigneur sans prétention, bien bâtie et ouverte, avec un temple grec encastré dans une façade de fenêtres sur parc où les arbres gardent leur dignité éternelle, leur puissance première protectrice. Petit temple américain, clairière claironnante au milieu d'une luxuriance de nouvel ancien monde.

    La maison de William ? une maison d'où l'on peut vraiment tout écouter sans avoir besoin d'un "savoir" pour "prendre le temps" ?
    Faulkner n'a t-il pas dit quelque part quelque chose comme : le passé n'est jamais passé...

    Là, il s'attaquait au nouveaux Temps, ou plutôt à l'idée qu'on s'en fait : cette chose suçant progressivement la subtance du monde pour le transformer en une sorte de devenir monstrueusement insaisissable, fait de "passages" mous où l'instable et le "fuyant", devenus unique règle du jeu, annihilerait toute réalité essentielle plantée, toute source de partage. Où, justement, plus rien ne serait plus ni réel ni audible -- faute d'être encore présent, vivant, attentif, là, par delà les grandes transformations positives d'un seul et même instant "libre", autodéterminé dans sa bonne spirale, plutôt qu'interminablement indéterminé.

    Mais le vrai temps n'est aucunement une négation de l'être : il est le lieu même de développement de l'infini, comme l'espace "libre" et "vacant".
    Alors l'espace de l'Ecoute, nettoyé -- préservé --, est effectivement le lieu de la liberté. Lieu prosaïque et précieux d'une seule et même unité, diverse et riche, sauvage. Il est le secret de l'humain, sa dimension cachée, secètement connectée, prolongée par et dans la nature. La sylve romaine...Resurgissement sauvage du Monde Premier, avec son angoissante absence de temps d'avoir, de faire et de par-être : son temps indigène, autochtone, autonome, étrange, qualitatif, posé et ...marquant l'arrêt. Un monde stoppé net sans être jamais figé mais ralenti, réaccordé, sychronisé, mouvement immobile, mécanique céleste...et sereine.

    Que le monde d'aujourd'hui soit un chef-d'oeuvre de négation de cette dimension ou la dimension même de la négation de ce qui est, est-ce un pur hasard urbain ?
    Ou la lourde conséquence du choix déraisonnable d'une addiction machinique aveuglée et comme saôulée à quelque passion primaire contrariée ?

    Mais si Rowan Oak Station est une gare, on peut y "stationner", peut-être y changer de direction, n'est-elle pas surtout un terminus au milieu de partout ?

    Pour paraphraser le Christ on pourrait dire qu'il reste à ce monde, "informé" (un peu trop informe) et "communiquant" (un peu trop vase clos), à choisir entre le temps-argent-roi et la divine-durée-de -création-du-temps. Le temps "ne supend pas son vol" pour rien : il ne suspend ce qu'il vole que dans le partage de ce qui est. Un partage spontané et gratuit, seul bâtisseur d'une "demeure", ce lieu où l'on "est", signe et persiste -- plus que subsiste ou survit.

    Rowan Oak Station, -- souffle westernien de la bête crachant tranquillement sa vapeur --, abri ferroviaire intérieur en forme de blog, petit pays ouvert à tous les vents par la force même des puissantes racines de ses bielles.

    DHKtdo09092011

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