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mercredi 15 août 2018

La trilogie berlinoise







      

      Bernhard (Bernie) GUNTHER est un privé -un privé à la Phil. Marlowe, disent certains-, bourru, borné, ayant le sens de la répartie, légèrement alcoolique, passablement misogyne, cynique mais moral (si je puis dire), ayant aussi quelques obsessions et névroses (rien d'irréparable pour un privé). Plus habitué au froid et à la pluie qu'à la douceur du climat californien, car notre homme officie à Berlin, celui de la montée du nazisme, puis de sa prise de pouvoir, et jusqu'à son effondrement et les prémisses de la Guerre froide. Ce contexte historique, peu courant dans la littérature policière, a grandement contribué au succès de cette trilogie berlinoise. Et ce n'est pas le moindre des paradoxes que de savoir qu'elle est l'oeuvre d'un écrivain britannique, Philip KERR (1956 - 2018).
      Si le contexte historique est très prégnant - les Jeux olympiques de Berlin, en 1936, dans L'Eté de cristal, la nuit de cristal (1938) dans La Pâle Figure, la lutte d'influence américano-soviétique à Berlin (mais aussi à Vienne) en 1947 dans Un Requiem allemand-, il reste cependant au service du récit. Les enquêtes amènent Bernie Gunther à rencontrer quelques dignitaires du parti NSDAP (Goering ou Himmler par exemple), mais sont surtout l'occasion pour l'auteur de nous décrire la vie à Berlin dans ces années-là, une vie miséreuse et  souvent cruelle (des évocations parfois poignantes). La facture relativement classique des enquêtes (pour un privé) s'efface même parfois devant le réalisme des scènes de la vie quotidienne des Berlinois et Berlinoises : des habitants qui luttent pour leur survie, en proie à une insécurité permanente, semblant pressentir les folies du monde mais n'ayant plus assez de force, ou quelquefois de volonté, pour s'opposer "aux conséquences de la paix" (pour reprendre le titre de J.M. KEYNES).
      Au final, un bon moment de lecture. Est-ce pour autant un des chef-d'oeuvre de la littérature policière, tel qu'il est souvent présenté ? La réputation de cette trilogie ne tient-elle pas, surtout ou en partie, au fait que le héros est un anti-nazi convaincu (même s'il lui faut composer de temps à autre avec le pouvoir en place) ? Aurait-elle autant de succès si Bernie Gunther était un enquêteur SS, chargé d'éliminer la corruption au sein de ses services ? Sans doute pas. Cela étant, la trilogie reste un bon "polar", de ceux que l'on aime prendre le temps de lire l'été venu.



Berlin, 1933.


Berlin, 1945.


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